mercredi 28 janvier 2009

Rmiste en France, CSP+ à Dubaï


Après des années de galères, de nombreux jeunes « beurs » ont décidé de partir travailler au Moyen-Orient, où on leur propose souvent des postes à responsabilités et de hautes rémunérations. Là-bas, ce n’est pas la couleur qui compte, mais les compétences

Dans les années 60, leurs pères traversaient la Méditerranée en masse pour venir s’échouer dans le port de Marseille. Certains restaient sur place, d’autres allaient plus au Nord. Tous étaient persuadés, qu’ils allaient enfin trouver un travail, mieux rémunérés qu’au « bled ». Aujourd’hui l’histoire se répète, leurs enfants rêvent de quitter leur quartier pour se rendre au Moyen-Orient, plus particulièrement à Doha ou bien à Dubaï. Sûrs comme leurs grands-parents qu’ils trouveraient un travail avec une bonne rémunération.



Ce phénomène touche surtout les jeunes « beurs » âgés entre 25 et 35 ans, diplômés ou pas, souvent célibataires, et résidants dans les quartiers dits « défavorisés ». Les motivations sont diverses. Certains veulent partir suite à une longue période de chômage, comme Ahmed, âgé de 28 ans, titulaire d’un BTS Electronique : « Dès que j’ai décroché mon BTS, j’ai été recruté par une filiale d’EDF, en CDD de 6 mois renouvelable. Mais au bout d’un an, je n’ai pas été reconduit. Depuis je suis sans emploi, je touche le RMI. »

Alors lorsqu’il voit l’émission Capital (M6), un reportage sur Dubaï il entreprend « des démarches pour travailler là-bas : le mieux c’est de décrocher un job avant de partir ». Et il en est sûr, son « salaire sera triplé ». « Mon souci c’est l’anglais, je prends des cours pour m’améliorer, parce que cette langue est nécessaire plus que l’arabe. »

D’autres, victimes de discrimination au travail, pensent que dans des pays arabes ils seront plus épanouis. À l’instar d’Ali, 34 ans, titulaire d’un DESS en Finance : « Je suis sur le marché du travail depuis 6 ans, j’ai toujours obtenu des postes d’agent de maîtrise, avec un salaire ne dépassant pas les 1 500 € par mois. » Même s’il vit encore chez ses parents, il a cependant « besoin de prendre mon indépendance ».

« Financièrement je ne peux pas, vu mon niveau de rémunération. Si je souhaite occuper un poste de cadre, en France, je n’ai surement pas la bonne tête. Récemment, j’ai envoyé mon CV à un cabinet de recrutement spécialisé au Moyen-Orient. J’ai reçu des réponses positives, des offres qui correspondent réellement à mes compétences et avec une rémunération 4 fois supérieur à ce que je gagne actuellement en France ! »

Ahmed insiste sur le fait que cet engouement vers le Moyen-Orient et plus particulièrement vers Dubaï, touche énormément de jeunes Français d’origines maghrébines. Mais pour lui cela n’a rien à voir avec un retour aux sources de l’arabité : « Les jeunes qui veulent partir travailler dans un pays du Golfe le font avant tout pour des raisons économiques et sociales sinon ils se rendraient plus vers le Maghreb. » Car les pays du Golfe ont une approche « anglo-saxonne du marché du travail, transparente et compétitive ; c’est la compétence qui prévaut avant l’origine et la couleur de peau. D’ailleurs, si cela ne marche pas à Dubaï, je partirai à Londres. »

Le Maghreb des années 60 a perdu une grande partie de sa jeunesse, qui a préféré participer à la reconstruction de la France d’après-guerre qu’au développement de leur propre pays. Il en va de même aujourd’hui, sauf que les flux s’inversent. L’État français qui aura contribué à former une partie de sa jeunesse voit sa main d’œuvre qualifiée de demain la quitter pour de meilleurs horizons. En d’autres termes : les jeunes de la diversité parient sur l’avenir et la France n’en fait pas partie…

jeudi 8 janvier 2009

Travail et pouvoir d’achat en prison


« Mon salaire est de 150 € par mois en moyenne, sans salaire minimum, payé à la tâche. Je travaille 8 heures par jour, du lundi au vendredi : si je suis absent pour maladie ou autre, je ne suis pas payé et notre contremaître peut à tout moment nous licencier sans préavis, du jour au lendemain. » Vous pensez sans doute que celui qui prononce cette phrase est un pauvre Tiers-mondiste exploité par une multinationale ? Détrompez-vous, c’est un citoyen français : Karim, 45 ans, est père de famille. Il est ouvrier dans un atelier bien français, situé dans une commune du Val d’Oise : Osny. Sa particularité c’est qu’il se trouve dans une maison d’arrêt et que notre ouvrier est un détenu.



Dans notre imaginaire, influencé en grande partie par les sériés américaines, les prisonniers passent leur journée à dormir, à faire de la muscu dans la cour, à se battre entre clans, le tout nourries et blanchies. Quitte à décevoir les amoureux de Prison Break, cette image d’Epinal est fausse.

En effet, la prison est une ville, il y a une église et une mosquée, un supermarché, une banque, un centre médical. De même, il y a des salariés, des chômeurs et des rentiers. Ce que nous confirme notre ouvrier détenu : « En prison, vous avez accès un emploi rémunéré et le choix à différents métiers : ouvrier à l’usine, auxi [nettoyage et distribution de la gamelle], maintenance [électrique et plomberie], commis de cuisine. Pour postuler, vous devez transmettre une candidature au DRH qui est le Surveillant-Chef de votre Bâtiment. »

« Malheureusement, les postes sont limités, beaucoup d’entre nous n’ont pas accès à l’emploi. Par conséquent, ces derniers se trouvent dans des situations extrêmement précaires. Seule une minorité parmi nous n’ont pas de problème, puisqu’ils reçoivent de l’argent de l’extérieur. » En plus de permettre aux détenus de s’occuper durant la journée, le travail permet aussi de rembourser les parties civiles, subvenir aux besoins de sa famille, améliorer le quotidien en détention.

Karim insiste particulièrement sur ce fait : « Sans argent, votre quotidien est un enfer, la TV n’est pas gratuite, je paie un abonnement de 30 euros par mois, il faut aussi louer le frigo – c’est 15 euros par mois –, la gamelle qu’on nous donne en taule est tellement dégueulasse que toutes les semaines je commande des produits alimentaires pour me préparer des bons plats grâce à une chauffe artisanale. Je commande aussi des boissons, des confiserie, etc. »

« Toutes les semaines nous recevons des bons de cantines, c’est une sorte de catalogue où l’on peut choisir nos produits et nous sommes livrés une semaine après. Mon budget alimentaire varie aux environs de 100 € par mois. Il me reste très peu après. Avec un salaire de 150 €, c’est juste ! » Alors Rachid nourrie l’espoir d’être un jour « auxi » : « Je pourrai percevoir 250 € par mois, je serai comme un pacha. »

Comme dans toutes sociétés de consommation, il y a un banquier qui gère leur argent : « C’est le comptable de la prison qui se charge de régler vos achats, de percevoir votre salaire, d’envoyer de l’argent à vos familles, de payer toutes les factures (TV, frigo…). L’argent ne circule pas physiquement en prison, tout passe par la comptabilité. »

Karim, malgré son enthousiasme de faire partie des privilégiés qui peuvent exercer une activité salariale, ne peut s’empêcher de critiquer les conditions de travail en prison : « On n’a pas le choix, si on ne travaille pas, on a pas de “tune”, on est morts en taule, mais le système profite de cela pour nous exploiter. Le pire c’est quand tu travailles à l’atelier, on te parle comme un chien. En plus, c’est même pas des surveillants qui contrôlent ton boulot, c’est des salariés de GEPSA, une société de sous-traitance pour des grands groupes français. »

« Les chefs d’ateliers ont le pouvoir de vie ou de mort sur toi : si tu as le malheur de contester quelque chose ou bien de ne pas être assez productif, il peuvent te virer et tu rentres en cellule. Le chômage quoi ! »