mardi 4 août 2009

Le Livret A, le compte bancaire des pauvres…


C’est historique ! Le taux du livret A est maintenant rémunéré à 1,25%, c’est du jamais vu depuis 1818.

Cette baisse va sans doute attrister les épargnants qui ont plafonné le livret A au maximum, c'est-à-dire 15 300 euros, d’ailleurs beaucoup parmi eux ont senti le vent tourner. En effet, depuis le mois de mai on constate un net ralentissement de la collecte et voir même une collecte négative (retraits supérieurs aux dépôts).

Mais d'autres détenteurs ne vont sans doute pas voir la différence : Ce sont les « sans comptes courants ». En règle général, ils sont Rmistes ou au chômage, intérimaires ou en CDD, et ont pour point commun d’avoir de faibles revenus, et d’être interdits bancaires. Selon l’intersyndicale du secteur financier public et semi-public, 35% des allocataires de minima sociaux disposent d’un livret A, la plupart sans diplômes et fréquemment d’origines extracommunautaires.

Le livret A est leur seul refuge, leur unique banque est la Banque Postale : plus de la moitié des 21 millions de clients ont un solde inférieur à 150 euros. Ce sont eux que l’on voit entre le 6 et le 10 de chaque mois par dizaine, faire la « queue » pendant près d’une heure voire plus, afin de retirer leurs prestations sociales (RMI, Assedic, CAF, etc.).

La plupart ne laissent qu’un euro sur leur livret, ils n’ont ni chéquier ni carte bancaire, juste une carte de retrait, pour payer leurs factures. Ils utilisent les mandats cash, car le livret ne permet pas d’effectuer des prélèvements, comme nous le confirme Didier, Rmiste de 35 ans.« J’ai le livret A, il ne me sert pas pour épargner, mais uniquement pour percevoir mon RMI. Comme je suis interdit bancaire, je n’ai pas pu ouvrir de compte. Alors le plus simple pour moi c’est le livret A, pour l’ouvrir c’est simple et rapide. En plus j’ai une carte de retrait, que j’utilise exclusivement dans les distributeurs de la Poste. Le plus embêtant c’est pour payer mon loyer, je suis obligé de faire un mandat cash à chaque fois, cela me coûte des frais mais bon, je n’ai pas le choix. »

En plus de ne pas permettre les prélèvements, le livret A a un autre inconvénient, comme le révèle Laurent, intérimaire de 25 ans : « Lorsque je me suis présenté à une Banque pour ouvrir un compte, le conseiller financier a refusé au motif que je n’avais pas de revenu régulier. Je me suis rabattu sur mon livret A, que mes parents m’avaient ouvert à ma naissance. Le problème c’est que je suis payé par chèque, je dois attendre quinze jours pour pouvoir utiliser mon argent : il y a une réserve d’encaissement. Je verse mon chèque de salaire le 1er du mois, je ne peux retirer l’argent que le 16, vous imaginez la galère ! »

Certes, ces exclus du milieu bancaire peuvent bénéficier du « Droit au compte », c’est-à-dire qu'en théorie une banque ne peut refuser l’ouverture d’un compte. Mais pour cela ils doivent faire intervenir la Banque de France. Seulement dans la pratique, beaucoup ne le font pas car ils ne sont pas informés de ce droit et se dirigent donc vers un établissement comme La Poste pour ouvrir un livret qui fera office de compte courant (obligation de service public).

Depuis le 1er janvier 2009, le Livret A est proposé par toutes les Banques, il semblerait que ces derniers continuent à exclure les personnes touchées par la précarité car pour toute ouverture d’un Livret A, elles imposent préalablement l’ouverture d’un compte courant sous condition.

N’oublions pas que les banques sont avant tout des entreprises commerciales, et comme tous commerces, elles doivent conquérir des parts de marché, accroitre leurs PNB, faire des bénéfices…elles considèrent à tort ou à raison, les clients touchés par la précarité comme une cible non rentable et susceptible de créer des incidents bancaires.