lundi 18 mai 2009

Le thé des cités entre chez les VIP


Mohamed, 27 ans, originaire de Nanterre, a été séduit, comme 150'000 autres Français, par le statut d'auto-entrepreneur. On peut le créer d'un simple clic et mettre un pied dans le monde de l'entreprenariat tout en conservant ses activités commerciales. Mais des idées comme la sienne, il n'y en a pas 150'000 autres...

Dans notre inconscient pollué par les clichés sur la banlieue, le seul commerce qui a droit de cité dans les halls d'immeubles des quartiers difficiles, c'est la vente de cannabis. Alors lorsqu'on entend parler de commerce licite dans ces lieux, nos préjugés en prennent un coup.



« A l'âge de 16 ans, sur l'initiative de mon oncle, j'ai décidé de proposer du thé aux jeunes de mon quartier, raconte Mohamed. Le but était de me faire de l'argent de poche et de créer du lien social. Je n'ai pas été gâté par la vie, en échec scolaire et familial, mais je n'avais pas envie de finir mal. Dés mon jeune âge, j'ai voulu m'en sortir et atteindre mon objectif, vendre du thé dans les halls d'immeubles. C'était mon bonheur de la journée. Depuis onze ans, je prépare tous soirs mes deux thermos et mes gobelets, et je descends dans le quartier ». Les épreuves de la vie ont endurci notre porteur de thé. « J'ai vécu des événements terribles dans ma jeunesse, mais cela ne m'as pas détruit. Mieux encore cela m'a donné de la gniaque et la volonté de réussir », nous dit il avec un large sourire.

Dynamique et jovial, il ne laisse personne indifférent : même Jacques Seguela a été séduit. « Je l'ai rencontré lors d'un reportage sur France 5, dit Mohamed. Il a tout de suite été séduit pas mon concept et mon parcours. J'avais confiance dans mon projet, mais le fait d'avoir convaincu un homme comme lui m'a donné encore plus d'énergie ». De la distribution de thé à ses potes dans le quartier, il se retrouve à servir du thé à des personnalités, lors de soirées privées dans les quartiers chics de Paris.

« Thé Man », c'est le surnom que lui ont donné ses premiers clients de la cité. Mohamed a donc appelé sa société «Thé Man Events » et il voit les choses en grand. Car de la simple vente de verres de thé, il passe à l'événementiel. « Le lien que je créais dans les quartiers, je veux le créer partout : soirées vip, lancement d'une marque de chaussure, soirée thématique, etc. Le thé peut s'introduire dans tous les événements ».

D'une activité artisanale, son concept est aujourd'hui une marque déposée, « pour protéger mes idées et mon activité. J'ai aussi opté pour un statut juridique, l'auto-entrepreneur. Ce nouveau statut est idéal pour moi, car l'événementiel est un secteur qui ne génère pas de chiffre d'affaire régulier. De plus, je suis exonéré de charges sociales et je n'ai pas besoin de salarié. Il me permet de développer ma boite sans contrainte financière ou administrative ».

Et même si son entreprise prend de l'envergure, « Thé Man » continue à distribuer du thé dans son quartier, pour le fameux lien social. Il a créé un logo, il compte commercialiser des T-shirts et d'autres produits avec cette marque, en particulier dans ce qu'on appelle le monde urbain. A n'en pas douter, « Thé Man Events », aujourd'hui entreprise auto-entrepreneur, sera une société anonyme dans quelques années ! Affaire à suivre, donc.

vendredi 15 mai 2009

Rachida Dati parle business et bébés à Bondy


Gros bras à l’entrée filtrant les invités, journalistes parisiens et suisses présents, hommes et femmes sur leur trente et un. Une cinquantaine d’entrepreneurs de banlieue attend avec impatience la star du jour. Habituellement, pour avoir une chance d’entre-apercevoir cette femme prestigieuse, il faut se rendre au ministère de la justice, Place Vendôme, ou à la mairie du 7e arrondissement de Paris. A défaut, se contenter des magazines politiques et people.

20h30, la nuit tombe sur Bondy, elle arrive enfin place de la République, sort de sa voiture accompagnée de ses bodyguards. Les journalistes et caméramans l’entourent aussitôt. De noir vêtue, affichant un large sourire, elle pénètre dans la brasserie Murat, où un dîner-débat l’attend. Elle marche d’un pas décidé, sûre de l’effet qu’elle produit, salue les personnes présentes. On lui indique sa table, la soirée peut commencer : Rachida Dati, Mesdames, Messieurs !

La diva ! Attention, nous sommes à Bondy, non à Cannes. Pas d’excès. Ambiance sérieuse, studieuse, même, avec en guise d’euphorisant, un doigt de vin pour ceux qui s’autorisent l’alcool. Ce soir, ce n’est pas la garde des sceaux qui vient, mais la candidate aux élections européennes, deuxième sur la liste UMP en Ile-de-France. Elle a répondu à l’invitation lancée conjointement par le Business Bondy Blog et La nouvelle pme, « réseau social dédié aux entrepreneurs issus des minorités ou des quartiers ». Les convives, qui ont chacun payé leur repas, sont là pour questionner Rachida Dati sur la problématique de « l’entreprise dans l’Europe » et plus précisément sur celle des « PME issues de la diversité ».

L’atmosphère est conviviale et sympathique, mais cette décontraction n’empêche l’apparition de tensions, à propos de la finance islamique notamment, thème cher à quelques-uns des participants. « Je suis contre le communautarisme, répond-elle. La finance islamique, si elle se conforme à la législation, pourquoi pas ? C’est avant tout un mode de financement, avant d’être une solution pour une communauté particulière. »

Debout telle une prima donna, elle fait face à l’adversité, mais elle est aussi très à l’aise dès lors qu’on touche à des sujets plus personnels, voire intimes. A une chef d’entreprise, enceinte et ça se voit, elle dit sans hésiter : « C’est pour quand votre bébé ? Vous verrez, c’est un bonheur immense, un bébé. »

A l’occasion de cette soirée, elle fait une confidence : elle est favorable aux statistiques ethniques, contrairement à son mentor Nicolas et sa « copine » Fadela : « Les statistiques, c’est un outil de mesure pour identifier les discriminations, donc je suis pour dans ce sens-là. » Politicienne, elle lance une pique en direction de Benoît Hamon* et Harlem Désir, députés socialistes européens qui se représentent et qui n’ont pris, les vilains, « que deux fois la parole dans cette enceinte » en cinq ans de législature.

Une heure de débat. Une sortie aussi mouvementée que son arrivée. Mais elle ne pouvait décemment pas quitter cette soirée sans poser pour une belle photo avec la jeune femme enceinte.

Chaker Nouri

*Benoît Hamon sera le prochain invité de La nouvelle pme et du Business Bondy Blog, le 26 mai à Nanterre.

mardi 12 mai 2009

Manuel, entrepreneur acclamé de partout, n'a pas trouvé de financement



Créer sa propre entreprise est une aventure qui aboutit parfois à une succès story mais, le plus souvent, à en croire les statistiques, à un échec. Alors qu'est ce qui peut bien pousser un jeune des quartiers comme Manuel, salarié et de surcroît fonctionnaire, à faire un pari aussi osé que celui de la création d'entreprise ? Lauréat du concours Talents des cités, il n'a pas trouvé de financement!

Manuel Mangata, 33 ans, originaire de la Seine-Saint-Denis, a choisi de prendre le risque d'être son propre patron. « Après mon Bac F1, j'avais comme ambition d'être prof de gym, mais pour faire de longues études, il faut de l'argent. C'est donc après ma deuxième année de Deug que j'ai arrêté mes études. J'ai alors intégré la Mairie de Neuilly-sur-Marne pour être animateur jeunesse. En parallèle, j'ai passé un certain nombre de diplômes dans l'animation ».



Devenu fonctionnaire d'une collectivité locale, notre entrepreneur en herbe se sent très vite à l'étroit dans ses nouveaux habits. « J'avais la bougeotte, j'ai toujours été quelqu'un d'ambitieux. J'ai créé une association de foot en salle. D'ailleurs, un joueur de Rennes et de Guingamp sont passés par cette structure ». Mais cela ne lui suffit pas. « Le fait de côtoyer l'animation m'a permis de découvrir une niche. En effet, j'avais vu que dans la plupart des quartiers il n'y avait pas de lieu consacré aux gamins et aux adultes de 3 ans à 99 ans, un lieu pour se réunir, boire un café ou un jus, fêter son anniversaire, jouer, un lieu convivial et bon enfant ». Il sauta donc le pas.

En 2006, en compagnie d'un ami et avec l'aide d'une boutique de gestion et de la chambre de commerce de Bobigny, il fait son business plan et présente son projet au concours Talents des cités.

Les choses démarrent plutôt bien, puisqu'il sera le lauréat national 2007. La société SFR devient le partenaire et sponsorise la nouvelle start up à hauteur de 7000 euros. « Au début, tout allait bien, réceptions vip, invitations en tous genres, emballement médiatique». Puis cela se gâte. « On voyait les choses en grand, on avait besoin d'un financement de 150 000 euros. Sûrs de nous, car nous avions gagné le concours. Toutes les structures publiques ont validé notre dossier. On ne pensait pas avoir de mal à trouver un financement, mais on a été vite déçu car les banques et les business angels nous ont fait tourner en rond pour rien ». Certaines mairies ont vu d'un très mauvais œil cette concurrence aux centres de loisirs publics. « A chaque fois qu'on tentait de louer un local, la Mairie de la ville concernée nous mettait des bâtons dans les roues. J'ai même demandé l'intervention du Préfet et de Fadela Amara, en vain ».

Devant toutes ces péripéties, Manuel a failli renoncer. « Courant 2008, j'en avais marre de me battre, surtout que mon associé a jeté l'éponge entre temps. Je me suis remis en question, j'ai revu mon budget de financement à la baisse, soit 30 000 euros. Malgré cette réduction, les banques refusaient toujours de prêter, estimant que mon projet était trop novateur. J'avais aussi renoncé à m'installer dans des grandes villes. J'ai donc cherché un local dans la ville de Courtry, 8000 habitants, et j'ai signé un bail précaire de deux ans ». Avec le risque que tous s'arrête car ce bail peut être arrêté unilatéralement par le propriétaire à l'issue de la deuxième année, sans indemnisation.

Aujourd'hui, le Café des Jeux est ouvert et reçoit du public. Manuel n'a toujours pas trouvé de financement, il a fait les travaux lui-même, il a embauché une personne en Contrat d'Iniative Emploi. Son chiffre d'affaires couvre ses charges mais ne lui dégage aucun salaire.
Il vit grâce à son salaire d'animateur, qu'il exerce toujours dans une Mairie.

Beaucoup, à sa place, auraient déjà renoncé. Mais Manuel continue de croire en son projet. Alors si vous passez par Courtry, faites un détour chez lui, vous ne serez pas déçus