vendredi 5 décembre 2008

Crédit revolving : un prêt pas très net !


De l’argent disponible tout de suite et sans garanties : voilà ce que proposent ces crédits à la consommation. En banlieue, de surcroît en période de crise, c’est tentant. Mais attention au piège ! Chaker, qui n’a pas travaillé pour rien dans la finance, met en garde les proies faciles

« Allo, M. Nouri ? C’est votre conseiller financier. Je vous appelle pour vous faire une offre ex-cep-tion-nelle ! » En cette période de crise financière, je trouve assez étonnant que mon banquier puisse encore me faire profiter de « bons plans ». Mais laissons-le poursuivre : « Actuellement, nous offrons à nos très bons clients une réserve de crédit permanent, rattachée à une carte de paiement et de retrait et, tenez-vous bien, tous cela gratuitement ! » En d’autres termes, ce qu’on me propose, ce n’est pas de l’« argent gratuit » mais un « crédit revolving ». Si tout le monde s’est déjà vu proposer une telle offre, que ce soit en grande surface, par le biais d’organismes de prêt ou de sa banque, il est plus de plus en plus tentant de recourir à un prêt à la consommation. Mais de quoi s’agit-il exactement ?



Appelé également « crédit permanent » ou « crédit renouvelable », il se présente comme une réserve d’argent permanente, accessible à tout moment et qui se renouvelle partiellement au fil de vos remboursements. Le montant dont vous disposez est déterminé en fonction de vos besoins ainsi que de votre capacité de remboursement. Dans la plupart des cas, vous pouvez l’utiliser librement grâce à une carte de crédit.

Aujourd’hui, ce produit n’est plus seulement proposé par les banques : elles ne détiennent d’ailleurs plus que 8,1% du marché (source UFC Que Choisir). On retrouve ce type de paiement, par le biais d’une carte personnelle ou de fidélité, dans de nombreuses enseignes de la grande distribution (Auchan, Carrefour, Fnac, etc.).

À première vue, ce crédit ressemble à un prêt classique. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le taux de remboursement varie entre 18% et 20%. C’est-à-dire beaucoup plus que les taux immobilier (5 à 6%) ou de consommation (6 à 8%), [source Meilleur Taux]. Et pourtant, ça marche : selon UFC-Que Choisir, le marché du crédit revolving représente 28 milliards d’euros, avec un taux de croissance annuel de 6,94 % !

On comprend alors pourquoi, les agents évitent souvent de préciser les modalités de remboursement. « On doit éviter de parler du taux au client, témoigne sous couvert d’anonymat une télé-conseillère de Saint-Denis, qui travaille pour une société de crédit en ligne. Il faut le vendre comme une épargne de trésorerie que le client pourra utiliser librement. On doit surtout mettre en avant la souplesse et la disponibilité du crédit. » Si la présentation est accrocheuse, la démarche de vente reste agressive, même pour les employés de ces organismes : « Toute la journée le superviseur note sur un tableau, à la vue de tous, les ventes de chacun. Il n’hésite pas à venir nous crier dans les oreilles pour vendre toujours plus ! Le meilleur d’entre nous touche une prime mensuelle qui varie entre 100 et 180 euros. »

La marge importante que touchent les distributeurs, incitent certains à ne pas être trop regardant sur l’endettement du client (obligation légale) et à consulter seulement le FICP (fichier géré par Banque de France pour répertorier les incidents de paiement) et le fichier des interdits bancaires. Cela entraîne certains clients dans des situations d’endettement perverses. Ce sont en effet les plus vulnérables qui font appel aux « crédits revolving », et notamment en banlieue.

Pascal N., 45 ans, témoigne. Il habite Blanc-Mesnil, il est marié et père de 3 enfants. Salarié à la Poste, il touche un salaire mensuel de 1 460 euros net et a sollicité plusieurs des crédits revolving qui existent sur le marché : « Vous savez, les crédits revolving, c’est comme quelqu’un qui est accro à la drogue ou au casino : au début vous prenez une petit revolving de 1 500 euros dans votre banque, ensuite vous allez faire les courses et la charmante vendeuse vous propose un crédit illimité de 5 000 euros à utiliser à votre convenance et sans justificatif… » En un rien de temps, Pascal avait multiplié les crédits et les cartes. Lorsqu’il a atteignait le plafond chez l’un, il utilisait l’autre. « Et cela sans arrêt, jusqu’à que vous receviez des lettre recommandées qui vous disent que la fête est finie. Aujourd’hui je suis surendetté… »

Geneviève A., de Sarcelles, est veuve et femme de ménage à temps complet. Elle perçoit un salaire net de 1 200 euros par mois et a eu recours à un crédit revolving à son insu : « Un jour, je reçois une brochure d’une société de crédit me vantant une offre à moins de 4%. À l’époque j’avais besoin de changer ma voiture et j’ai appelé le conseiller. Quelques jours après, je reçois un dossier pour un prêt de 5 000 euros. J’étais surprise qu’il ne me demande ni le bon de commande de la voiture, ni la facture, mais j’ai fait confiance. » Peu de temps après, elle reçoit l’argent sur son compte. C’est après coup qu’elle s’apercevra que le taux était de… 18 % !

Chaque année, près de 183 000 dossiers de surendettement sont constitués au niveau national, 4 299 pour la Seine-Saint-Denis, d’après une étude du MIPES (Missions d’information sur la pauvreté et l’exclusion sociale). S’il est encore trop tôt pour mesurer les effets de la crise sur le nombre de dossier qu’aura a traité la Banque de France (il s’agit des chiffres de 2007), l’endettement moyen des déposants est de 32 500 euros. La plupart sont dus à l’utilisation excessive des crédits revolving.

Aujourd’hui, compte tenu de la tempête financière mondiale provoquée par la crise des subprimes aux Etats-Unis (crédit immobilier souscrit par des clients déjà fortement endettés et souvent insolvable), certains élus, à l’instar Philippe Marini, le rapporteur général UMP de la commission des finances du Sénat, ont sorti leur révolver contre les crédits revolving. Ce dernier a déposé un projet de loi afin d’encadrer ces crédits et endiguer le surendettement. Une volonté de « surveiller les pratiques des sociétés de rachat et gestion de crédit dont les dérives peuvent être importantes en période de crise »* que partage à présent Nicolas Sarkozy et la ministre des Finances, Christine Lagarde, chargée, depuis mercredi 4 décembre, de présenter elle aussi une réforme.

La crise des subprimes aura au moins eu le mérite de montrer que le surendettement est aussi un phénomène français.

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