lundi 13 avril 2009

M. Besson, vous prendrez bien un peu de poulet au KFC !


Africains sans papiers, ils sont confinés aux basses oeuvres. Craignant d'être licenciés, ils sont en grève pour obtenir leur régularisation. Reportage à Châtelet.

Le poulet du KFC de Châtelet, à Paris, a un goût un amer pour un certain nombre de ses salariés, en grève depuis le 23 mars. Au même titre que ceux de Continental où de Caterpillar, ils ont décidé de croiser le fer avec leur direction afin de sauver leurs emplois. Non pas parce que le leader de la restauration rapide de recettes à base de poulet va déposer le bilan, mais parce qu'ils sont sans papiers, et à ce titre, ils risquent de se faire licencier d'un moment à l'autre.



Ces salariés silencieux jusqu'alors, sont pour la plupart confinés aux basses œuvres. Ils sont commis de cuisine, agent de nettoyage, travaillent dans des conditions exécrables ; ils sont en poste dés l'aube et ne rechignent jamais à la tâche. Ils viennent du Sénégal, du Mali, de Mauritanie, sont arrivés en France il y a plus de dix ans à bord de bateaux vétustes au péril de leur vie, avec femme et enfant.

Aujourd'hui, ils sortent de l'anonymat, synonyme d'un possible aller sans retour pour l'Afrique. Mamadou, âgé de 40 ans, originaire de Dakar, est l'un d'eux : « Cela fait sept ans que je suis en France, j'ai intégré le KFC il y a quelques années, j'ai toujours travaillé dans ce restaurant, reçu des fiches de salaires, j'ai toujours déclaré mes impôts, j'ai une carte de sécu, j'ai tous les papiers sauf le plus important, ma carte de séjour. »

C'est lorsque le directeur du restaurant des Halles a commencé à licencier un certain nombre de ses employés pour défaut de carte de séjour, que tous ont décidé d'être solidaires, persuadés que leur tour viendrait : « Quand on a appris qu'un de nos collègues risquait d'être licencié parce que sans papiers, c'est là qu'on a décidé de se mettre en grève avec le soutien de la CGT, explique Mamadou. Pour nous, la grève, c'est dur, car on n'est pas payés durant cet arrêt de travail, mais on combat pour être libres. »

Sur la rue piétonne qui passe devant le KFC des Halles, restaurant de la chaîne qui réalise le plus gros bénéfice de France, les sans papiers haranguent les passants, afin d'alerter l'opinion publique sur leur situation administrative et leur condition de travail. « Certes, nous travaillons huit heures par jour, pour huit euros de l'heure, dit Traoré, Malien de 30 ans, mais demain, si nous tombons malades, nous ne serons pas indemnisés, si nous sommes licenciés, nous n'aurons pas droit chômage, c'est quoi ça ? De l'exploitation ni plus ni moins. Nous ne prenons le travail de personne, nous faisons le job que personne ne veut faire, on a besoin de nous, il faut donc nous donner les papiers. »

Ces salariés en débrayage sont optimistes, persuadés qu'au final, ils obtiendront le fameux sésame, d'autant plus qu'il s'avère que la direction tolère ce mouvement de grève, tant que les grévistes ne gênent pas la bonne marche du restaurant. Il est évident que pour KFC, ce mouvement est un moyen indirect de faire pression sur les pouvoirs publics, afin qu'ils régularisent des salariés travailleurs et dociles, comme nous le confirme un salarié, avec des papiers, celui-ci : « Franchement, les Africains, ils bossent bien, on n'a jamais de problème avec eux, ils sont à l'heure, jamais ils ne se plaignent, c'est le rêve pour un patron ; pour le KFC, c'est retour sur investissements direct, c'est pour cela que je pense qu'au fond d'elle-même, la direction serait heureuse qu'ils soient tous régularisés. »

En ces temps de crise où des salariés séquestrent des patrons, bloquent le taxi de leur boss, jettent des œufs sur leurs cadres dirigeants, l'Africain du KFC, lui, est « gentil ». Monsieur Eric Besson, allez, un petit effort, ils feront sans aucun de bons Français.

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