lundi 12 juillet 2010

L’élimination des Bleus : les perdants et les gagnants


Alors que les joueurs de l’équipe de France sont pour la plupart déjà sous le soleil, certaines entreprises commencent à sortir leur calculatrice pour connaître le manque à gagner dû à cet échec sportif. D’autres, plus chanceuses, se frottent les mains.

Un mariage pour le meilleur et surtout pour le pire ! Voilà comment l'on pourrait qualifier la relation qui unit TF1 à la Fédération française de football. Jusqu’en 2006, hormis son accident de parcours durant la Coupe du monde de 2002 en Corée du Sud, l’équipe de France était considérée comme un investissement dit de « bon père de famille ». Depuis cette date, la première chaîne française doit revoir ses prétentions à la baisse en termes de recettes publicitaires lorsque les tricolores sortent prématurément d’un tournoi européen ou mondial. « Depuis 2008, on tape sur l’équipe de France. Les frasques de certains joueurs n’ont pas arrangé les choses. Une image positive se construit sur du long terme et à l’inverse un scandale peut détériorer la marque en quelques jours. Malgré tout, la chaîne privée continue à associer son image aux Bleus », constate Ricardo Da Silva, conseiller en communication.

Mais, contre toute attente, le premier match des tricolores en Afrique du Sud a réuni devant les écrans plus de 18 millions de Français. Résultat : les annonceurs devaient débourser 155 000 euros les trente secondes, et la somme serait montée jusqu'à 300 000 euros si la France était parvenue en finale. Une manne financière qui restera dans les caisses des grandes marques, au grand désespoir de TF1. Le manque à gagner potentiel pour la chaîne est estimé entre 5 et 10 millions d'euros. Face à l’image désastreuse du comportement des Bleus, certaines marques n’ont pas hésité à interrompre leur campagne publicitaire.

« TF1 diffuse l’équipe de France pour attirer des annonceurs. Son objectif est avant tout financier. D’autres s’associent aux Bleus pour promouvoir un produit ou communiquer sur leur marque », analyse Fabienne, responsable produit au sein d’un groupe bancaire. Exemple : le Crédit agricole, un sponsor historique de la Fédération française de football, n’hésite pas à investir plus de 2 millions d’euros par an. La banque a réalisé une séquence publicitaire dans laquelle on voyait des joueurs tricolores hilares. « Ce spot était en contradiction avec la réalité sur le terrain. Et le coup fatal, c’est lorsque les joueurs ont décidé de faire grève. Plus que la défaite sportive, c’est l’attitude des sportifs qui a eu des conséquences désastreuses », explique le conseiller en communication. Conséquence : la banque verte suspend son spot publicitaire. Au siège social de l’établissement mutualiste, le mot d’ordre est « no comment ».

L’image des Bleus à la dérive incite d’autres sponsors à interrompre leur campagne : Quick, Carrefour, Suez… « Les sponsors images sont pour la plupart cotés en bourse. Ils communiquent très peu sur les pertes éventuelles liées à cet échec sportif. Mais on peut déjà affirmer que les pertes financières seront négligeables au regard de leur chiffre d’affaires global, car elles ne concernent que l’investissement pub et communication », affirme Taoufik Benkhoud, trader dans une banque parisienne. Des marques qui cherchent en priorité à améliorer leur image en l’associant au rêve et à la réussite. Or, actuellement, l’équipe de France est synonyme d’échec.

Les sponsors sont mécontents et décidés à négocier les prix à la baisse. Dans ce contexte, la Fédération va devoir faire profil bas et offrir des rabais sur des montants jusqu’alors faramineux : 2,5 millions d’euros pour les partenaires, 800 000 euros pour les sponsors officiels et 250 000 euros pour les sponsors de moindre importance. Un manque à gagner certain pour la FFF dans les mois à venir. Fort heureusement, la soupe à la grimace n’est pas au menu pour tout le monde.

Le groupe Carrefour, sponsor historique des Bleus, a parié sur la victoire des tricolores : tout client acheteur d’un écran géant avant le 31 mai 2010 pouvait se faire rembourser partiellement ou totalement son achat selon le parcours des Bleus. Résultat : une hausse de 30 % des ventes de télévisions par rapport à une année normale. Et, cerise sur le gâteau, aucun remboursement n’a été effectué. Une offre sur le même principe qu’un produit commercialisé par la Banque populaire du Val-de-Marne : la rémunération était indexée sur le parcours de la bande à Domenech. La banque mutualiste, qui promettait jusqu’à 6 % sur le capital investi, ne versera au final qu’1 %.

Des secteurs comme le tourisme et les loisirs vont aussi récolter les fruits de la défaite française : « Les Français en profiteront pour sortir au cinéma, manger au restaurant, se rendre dans des parcs d’attraction, passer un week-end en amoureux. Un impact inévitable. On en saura plus fin août », prévoit Alain Roustre, économiste. « Le foot à la télé est un sport masculin. Mais avec l’échec des Bleus, on peut présager un rapprochement des cœurs… et une hausse de la natalité durant ce mois de juin », ironise l’économiste.

L’échec des Bleus considéré comme un aphrodisiaque ? Une conséquence inattendue qui risque de rendre le sourire à la gent masculine déçue du parcours des tricolores.

Chaker Nouri

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